Audrey Coutens, une astronome la tête dans les étoiles et les pieds bien sur terre

Audrey Coutens (photo: Sébastien Chastanet)

Nous avons les yeux rivés sur les étoiles, depuis le départ de Thomas Pesquet pour la station spatiale internationale (et en attendant le tour du sarrois Matthias Maurer). Camäléon a donc décidé d’interviewer l’astronome Audrey Coutens qui a gentiment accepté de répondre à nos questions que nous avons choisi de focaliser sur un sujet bien terre à terre: la place des femmes dans les sciences.

Pourriez-vous vous présenter, s’il vous-plait ?

Je m’appelle Audrey Coutens et je travaille à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) qui se situe à Toulouse. J’y ai été récemment recrutée en tant qu’astronome adjointe.

En quoi consiste votre métier, exactement ?

Mon métier a trois missions principales. Tout d’abord je mène des activités de recherche. Je m’intéresse à la formation des étoiles et notamment celles similaires à notre Soleil. Je cherche à caractériser quelle était la composition chimique du milieu dans lequel le Soleil s’est formé et comment cette composition a évolué jusqu’à la formation des planètes, des comètes et des astéroïdes.

Pour répondre à ces questions, j’analyse des observations venant de grands télescopes comme l’interféromètre ALMA au Chili, et j’interprète ces données avec des modèles de chimie représentatifs des régions étudiées. La deuxième partie de mon métier consiste à réaliser des tâches scientifiques d’intérêt général. Dans mon cas, cela consiste à participer au développement d’un logiciel d’analyse de spectres astrophysiques déjà existant, CASSIS. Enfin, j’enseigne aussi à l’université.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous orienter vers l’astronomie ? Est-ce une passion que vous avez depuis votre enfance ?

C’est en effet une passion que j’ai depuis l’enfance. J’ai la chance d’avoir grandi à la campagne et d’avoir pu admirer le ciel étoilé sans trop de pollution lumineuse. J’étais aussi fascinée par les images de nébuleuses et autres objets interstellaires et cela a beaucoup aiguisé ma curiosité. J’aimais les sciences en général, et je pense que je me suis orientée naturellement vers l’astrophysique.

Aperçu des antennes d'ALMA (Photo : ESO/C. Malin http://www.eso.org/public/images/ann13016a/ CC BY 4.0)
Aperçu des antennes d’ALMA (Photo : ESO/C. Malin http://www.eso.org/public/images/ann13016a/ CC BY 4.0)

Quelles études avez-vous suivies ?

J’ai fait une licence en physique fondamentale, puis un master en astrophysique à l’Université Toulouse 3 – Paul Sabatier. J’ai ensuite effectué ma thèse à l’IRAP. Ma thèse a consisté à étudier la deutération de l’eau dans les régions de formation stellaire à l’aide de données de l’observatoire spatial Herschel.

Avant d’obtenir mon poste d’astronome adjointe à l’IRAP, j’ai effectué ce que l’on appelle des postdoctorats, des contrats de recherche de quelques années, à Copenhague, Londres et Bordeaux.

Est-ce que le fait d’être une femme a été un obstacle dans vos études ou dans votre travail ?

Je ne pense pas que le fait d’être une femme soit un problème au niveau des études. Ca peut en revanche être un peu plus compliqué pour obtenir un poste de chercheur permanent.

Il y a malheureusement très peu de postes et des études ont montré que les femmes avaient un peu moins de chances que les hommes d’obtenir un poste (vous pouvez vous référer à celle-ci, publiée en anglais). La mise en évidence de tels biais amènera, j’espère, des changements dans un futur proche. Il faut donc être conscient que la route n’est pas forcément facile, et il faut savoir persévérer pour atteindre son but.

Pourquoi y a-t-il moins de femmes que d’hommes qui travaillent dans les domaines scientifiques, à votre avis ?

Il y a plusieurs facteurs qui jouent. Tout d’abord, il y a certains stéréotypes qui perdurent, comme l’idée que les garçons seraient meilleurs que les filles en sciences. Il y a aussi moins de modèles scientifiques féminins, et les filles s’identifient ainsi plus difficilement à de tels métiers. Je pense aussi que les filles ont en général un peu moins confiance en elles, ce qui peut faire hésiter celles qui aiment les sciences à se lancer dans de telles études. C’est donc important de combattre ces stéréotypes et d’encourager les filles à se lancer dans des carrières scientifiques. La longueur des études et du parcours avant d’obtenir un poste peut aussi mener à un abandon plus rapide des femmes voulant des enfants. On voit d’ailleurs aussi plus souvent des femmes suivre leurs maris à l’étranger que l’inverse.

Quel message pourriez-vous faire passer, ou quel conseil pourriez-vous donner aux jeunes filles qui hésitent peut-être à se lancer dans des études scientifiques ?

Il ne faut pas hésiter à se lancer si l’envie est là. Le parcours pour devenir chercheur peut faire peur, mais il faut prendre les étapes petit à petit. C’est comme cela que l’on prend confiance en soi et que l’on avance. C’est bien sûr normal de douter par moment, mais il ne faut pas se décourager, et essayer de faire de son mieux pour ne pas regretter.

Quel est votre rêve pour la poursuite de votre carrière ?

J’aimerais continuer à faire de la recherche sur des sujets qui me passionnent sans jamais manquer de financement, faire des découvertes intéressantes, et aussi embaucher des jeunes et les aider à se lancer dans des carrières de chercheurs.

 

Merci beaucoup à Audrey Coutens qui a éclairé pour nous le métier de chercheur et la place des femmes dans les domaines scientifiques. Chers lecteurs, et surtout chères lectrices de Camaléon, n’hésitez donc pas à vous lancer dans des carrières scientifiques si vous en ressentez l’envie!

 

Anouk Viero

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